Qu’est-ce ?

Plathelminthe

photo : Pierre Gros

Ces vers plats terrestres, de la famille des Geoplanidae et de l’ordre des Tricladida, appartiennent à l’embranchement des Platyhelminthes (Plathelminthes en français, ou Platodes). Il existe toutefois des espèces, autochtones cette fois, de plathelminthes appartenant à une autre famille, celle des Rhynchodemidae (Rhynchodemidés).

Encore très mal connu (peu étudié ?), cet animal, introduit en France très probablement par des plantes en pot importées, est représenté sur notre territoire par plusieurs espèces. Même son origine n’est pas certaine, bien que très probablement de la Nouvelle-Zélande.
Preuve que l’on sait très peu de chose sur eux, on ne peut même pas mettre un nom sur toutes les espèces découvertes à ce jour dans l’hexagone.

Jusque là pas de quoi s’affoler, me direz-vous !
Jusque là non, mais dans très peu de temps, il est fort probable que si.

Pourquoi y-a-t-il danger ?

Hé bien, tout simplement parce que ces espèces sont des prédatrices de nos lombrics (vers de terre) si chers, entre autres, aux jardiniers, mais aussi garants de l’équilibre de tout un écosystème. En effet, le lombric de nos contrées est un animal indispensable : il fertilise les sols, les aère, et permet leur hydratation en creusant des galeries. Mais c’est aussi un acteur essentiel de la chaîne alimentaire, servant de repas à nombre de petits animaux : hérissons, oiseaux, amphibiens… On comprend bien que le précieux lombric est un maillon indispensable de la biodiversité.
Certains spécialistes n’hésitent pas à comparer cette invasion de vers tueurs de lombrics à la disparition des abeilles, la qualifiant de catastrophe écologique majeure.
En effet, outre le fait qu’il se nourrisse de vers de terre, le Plathelminthe n’a pas de prédateur ni parasite connus dans l’hexagone. Il semble que même les poules n’en veulent pas. Et comme beaucoup d’espèces invasives, on imagine que cet animal ne rencontrera pas, ou très peu, de frein à sa prolifération.

Toutefois, certaines espèces ne sont pas prédatrices de ver de terre, mais elles se nourrissent d’autres petits animaux, ce qui peut tout autant déséquilibrer l’écosystème local.

C’est donc seulement depuis le printemps 2013 que l’on s’intéresse à cet animal. Le spécialiste français du domaine, le professeur Jean-Lou Justine, chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle, étudie de près les différentes espèces de Plathelminthes qui envahissent le territoire, et se charge de recevoir toutes les observations (voir plus bas pour plus d’informations).

À ce jour, six, voire sept espèces sont identifiées sur le territoire français métropolitain. L’une d’entre elles semble ne pas s’être adaptée.

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Photo Jean-Lou Justine

Le professeur recommande de ne pas toucher l’animal, car celui-ci sécrète un mucus toxique, pouvant créer des allergies. Il semble même qu’il ait découvert depuis peu, sur les base d’une thèse d’Amber Stokes, de l’université d’Utah, qu’au moins une des espèces de Plathelminthe présente sur notre territoire contient de la tétrodotoxine, neurotoxine extrêmement puissante, célèbre pour être le poison contenu dans le fugu (poisson Tétraodon), mets de luxe dont les japonais raffolent. Les Plathelminthes ne contiennent pas autant de cette toxine que ces poissons, mais cela peut expliquer, entre autre, le fait qu’ils ne soient pas consommés par d’éventuel prédateur, et aussi comment ils paralysent leurs proies.

Il semble ainsi qu’ils contiennent plusieurs produits toxiques, c’est pourquoi il est fortement recommandé de ne pas les toucher, et surtout de ne pas laisser les enfants s’en approcher. Une ingestion de ces petites bêtes pourrait être toxique.

Pourquoi cet article ?

En avril 2013, lors des premières vraies investigations en France concernant cet animal, trois départements sont répertoriés comme « hébergeant » ces vers : le Finistère, les Alpes-Maritimes, et la Corse.
Depuis, la liste s’est fortement allongée. Mayenne, Ile-Et-Vilaine, Ariège, Pyrénées Atlantiques, Haute-Garonne, Hérault, Essonne, Loire-Atlantique, Gironde, Rhône, Tarn, Landes, Vaucluse, Charente, Var, Aude, Ile-de-France (dans le Bois de Vincennes)… Il est donc fort à parier que le Plathelminthe est présent sur tout le territoire.

Toutefois, à l’heure actuelle, il semble que la Bretagne soit fortement concernée, et plusieurs villes viennent allonger la liste régulièrement : dans les Côtes d’Armor : Lamballe, Plancoët, Saint Brieuc, Pleumeur-Bodou, dans le Morbihan : Sulniac, etc.

Mais c’est le Finistère qui semble remporter la triste palme : Plabennec, Quimper, Guiclan, Plougastel-Daoulas, Brest, Plongonvelin, Bohars, Penmarch, Landivisiau, Lampaul-Plouarzel, Concarneau, Saint Renan, etc.
Comme nous allons le voir plus bas, les deux départements les plus touchés sont le Finistère et les Alpes-Maritimes, avec (pour l’instant), 3 espèces présentes.

C’est pour cela qu’il est important de relayer l’information, et ne pas hésiter à répondre à l’appel à témoin du Professeur Jean-Lou JUSTINE, du Muséum National d’Histoire Naturelle, WANTED – Appel à témoin !

Le Finistère : un des départements les plus touchés avec trois espèces de Plathelminthes terrestres invasifs à ce jour

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Source : INPN(http://inpn.mnhn.fr)

D’après la carte établie au 25 octobre 2013, notre Finistère fait hélas partie des deux départements les plus touchés du territoire. Mais comme les investigations ne font que commencer, il faut prendre ces informations avec des pincettes, peut-être que cela n’est du qu’à un plus grand nombre d’observateurs dans ces départements. Il est fort à parier que les cartes vont fortement évoluer dans les prochains mois.
Les Pyrénées-Orientales y seront certainement parmi les plus touchées, quatre espèces différentes ayant été signalées … dans le même jardin (une semble ne pas s’y être acclimatée).

Mise à jour : en regardant les cartes provisoires (15 novembre 2013) du site du professeur Jean-Lou JUSTINE, on constate qu’un autre département vient rejoindre les deux départements avec trois espèces également : les Pyrénées-Orientales.

Toutefois, même si d’autres départements viennent rejoindre le « haut du classement », ça n’enlèvera en rien au fait que nous soyons très concernés.

Les espèces répertoriées dans le Finistère

Comme on peut le voir sur la page du Professeur Carte des mentions fiables de Plathelminthes invasifs terrestres en France au 15-11-2013, trois espèces nous concernent (pour le moment) :

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photo : Pierre Gros

1La « rayée jaune » (on vous avez bien dit que l’on ne connait pas tout sur ces espèces, et même pas leur nom). De 3 à 8cm, avec une ligne dorsale jaunâtre assez large, au milieu de laquelle passent 2 fines lignes sombres. Elle semble se nourrir de cloportes (info Pierre Gros).

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photo : Jean-Lou Justine

2Parakontikia ventrolineata : c’est l’espèce qui semble la plus présente en Bretagne, et notamment dans le Finistère (et la seule sur laquelle on peut actuellement mettre un nom). Décrite pour la première fois en 1892 en Australie, et déjà probablement importée, elle a depuis colonisé certaines régions des États-Unis et de l’Europe. De 3 à 4cm, assez fine, de section plutôt ovale, une fine ligne sombre au milieu d’une ligne dorsale claire. C’est une espèce invasive déjà très présente en Angleterre (la première observation date de 1970 à Liverpool), qui se nourrit de vers de terre et de limaces. On peut la trouver en très grande quantité dans un jardin.

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photo : Jean-Lou Justine

3la « marron plate » : plus trapue et plus plate que les précédentes, elle est de couleur plus uniforme, légèrement tachetée. Le ventre est clair et uni.

Et si vous en repérez un dans votre jardin ?

Les informations du site du Professeur Jean-Lou JUSTINE (page d’origine : Que faire si je trouve un Plathelminthe ? ) sont claires :

Que dois-je faire si je trouve ce ver ?

  • D’abord, bien vérifier que c’est bien ce ver: comparer avec les photos de son site.
  • Ensuite, noter l’endroit (votre jardin? ailleurs? dans la terre? sous un pot de fleurs?)
  • Faire des photos de près – un bon smartphone vous fera une photo tout à fait convenable – et les envoyer au Professeur Jean-Lou JUSTINE.
  • Récolter le ver avec beaucoup de soin (ne pas l’écraser, le casser).
  • Le mettre dans une boîte fermée avec un peu de papier absorbant humide, mais pas dans l’eau.
  • Garder la boîte au frais (cave, pièce fraîche) mais ne pas le congeler.
  • Contacter le Professeur Jean-Lou JUSTINE pour savoir que faire ensuite. (Email: justine@mnhn.fr)

En effet, afin d’établir une cartographie précise de la répartition de ce ver invasif, il est indispensable que chacun participe en envoyant ses observations.

Pour toutes informations (cartes actualisées, identifications, envoi d’observations…), une seule adresse : Plathelminthe terrestre invasif, dont l’auteur n’est autre que le Professeur Jean-Lou JUSTINE. Vous pouvez également le suivre sur twitter : @Plathelminthe4

Quelques liens :
WANTED – Appel à témoin ! (WANTED – Appel à témoin ! sur le site de l’INPN : Inventaire National du Patrimoine Naturel)
Geoplanidae (Page Wikipedia sur les Geoplanidae)
Platyhelminthes (Page Wikipedia sur les Platyhelminthes)
Arthurdendyus triangulatus (Page Wikipedia sur l’espèce Arthurdendyus triangulatus, invasive en Angleterre)
New Zealand flatworm (Page Wikipedia (en anglais) sur l’espèce Arthurdendyus triangulatus)
Un ver envahisseur (Un ver envahisseur : émission Planète Environnement de Nathalie Fontrel sur France Inter: 6 octobre 2013)
Le Bestiaire(Le plathelminthe : émission Le Bestiaire sur France Inter: 12 octobre 2013)
Un monde en marche …(Un monde en marche … : émission CO2 mon amour par Denis Cheissoux sur France Inter: 19 octobre 2013)
Vidéo de Kontikia ventrolineata (Parakontikia ventrolineata)
Kontikia ventrolineata (Page sur Kontikia ventrolineata du site concernant les espèces invasives de Grande-Bretagne)
Kontikia ventrolineata (Dendy, 1892) – An Alien Terrerstrial Flatworm (Quelques photos de Kontikia ventrolineata sur le site Aphotofauna – photos de David Fenwick)

Une partie des informations ci-dessus sont tirées du site Plathelminthe terrestre invasif (auteur : Jean-Lou JUSTINE).
Merci également à Pierre Gros pour ses corrections et compléments d’information.